L’être humain, sa conscience, sa propension à connaître Dieu, doivent être préservés. Parce que Dieu le demande ? Non pas ! Parce que la logique même de la Cité, c’est-à-dire de l’homme en société, l’exige. En effet que serait une Cité de robots, sans liberté de conscience et sans désir d’infini ?
Mais l’antipolitique n’est-elle pas une résurgence du cléricalisme, c’est-à-dire de la mainmise de l’institution ecclésiastique sur les affaires humaines ? Ca le serait si les acteurs de l’antipolitique étaient les prêtres et les évêques. Or ce sont les laïcs. Telle est leur mission, qui correspond à leur « royauté » reçue par le baptême, royauté que l’on pourrait appeler « royauté ministérielle », par analogie avec le sacerdoce ministériel des prêtres. Tout comme les prêtres expriment et exercent un sacerdoce particulier, les laïcs exercent une royauté spécifique. Or en tant que ce sont les laïcs qui exercent le ministère royal, ils peuvent échapper à l’accusation de cléricalisme. Certes, en sous-main, les clercs pourraient tirer les ficelles, donnant leurs ordres à de dociles brebis (7), mais il est parfaitement possible et légitime que la prudence des laïcs les conduise dans l’ordre politique à des positions divergentes de celles du clergé. Car l’Eglise ne se réduit pas au clergé. C’est sans doute ce qui s’est passé durant l’année de mobilisation contre l’adoption et le mariage pour tous, où l’on a vu « Frigide Barjot » défendre la possibilité d’une alliance civile suite au vote de la loi le 23 avril, au grand dam de certains évêques qui la soutenaient, mais conformément à une possibilité laissée par le magistère. Depuis Evangelium Vitae on sait en effet que l’on peut « licitement apporter son soutien à des propositions destinées à limiter les préjudices d’une telle loi et à en diminuer ainsi les effets négatifs sur le plan de la culture et de la moralité publique »(8). Il n’y a donc pas forcément de cléricalisme dans l’engagement des catholiques en politique, donc, mais au contraire, une relative autonomie, qui parfois se conquiert, par rapport à l’ordre du clergé. Autonomie par rapport au clergé, fondée sur le respect du magistère.
Notons ici que le vocabulaire employé par l’antipolitique n’est ni celui du « Progrès », ni celui de la « Conservation », mais celui de la préservation. Il s’agit de préserver la possibilité d’une dynamique, qui est celle de l’ascension de l’homme vers Dieu. En préservant cette dynamique qui unit l’homme à Dieu, l’antipolitique sert le Bien commun. C’est pourquoi l’antipolitique préserve de manière éminente le corps humain, temple de l’Esprit Saint et candidat à la Résurrection, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Ainsi l’antipolitique se distingue de la sémantique de ce qu’on appelle aujourd’hui « l’Ecologie Humaine », qui ne marque pas assez la différence qu’il y a entre la Nature et la nature humaine. Il ne saurait s’agir simplement de conserver un équilibre naturel comme on conserve une faune ou une flore, précisément parce que cette conservation obéit à une temporalité cyclique où il faut que se répète un état antérieur et optimal d’un écosystème. Ce qui est préservé ce n’est pas un certain état de l’homme, c’est sa possibilité de croître de manière infinie. Il s’agit en somme de conserver ce qui progresse, ou de faire progresser ce qui est transmis.
Quels sont les combats de l’antipolitique ? Ils sont parfaitement résumés par ce que Benoit XVI appelait les « points non-négociables », qui ne sont pas non-négociables dans le sens où l’on ne pourrait accepter, par exemple, de négocier la diminution du nombre d’avortements, mais dans le sens où ils n’appartiennent pas à ce domaine des choses négociables qui est le domaine de ce que la phénoménologie de la donation appelle le domaine des objets. Les points non-négociables concernent les événements, ces phénomènes inobjectivables, inéchangeables, indisponibles à toute manipulation. Quels sont ces points non-négociables ? Liberté d’éducation, respect de la personne humaine de sa conception à sa mort naturelle : donc protection, contre le césarisme, de la dignité de la personne humaine, dans son corps, son esprit, et son âme.
On le voit, l’antipolitique est une politique. Le paradigme de l’antipolitique est donné lorsque le Christ chasse les marchands du temple. Vous avez fait de la maison de mon père un bordel ! Donc un lieu de passes, c’est-à-dire un lieu où le corps est l’objet d’un échange et non d’un don réciproque. Commercer dans un temple, ou dans une église, est analogue à une prostitution, la prostitution consistant à échanger ce qui est du domaine du don. L’antipolitique combat toute forme de prostitution, c’est-à-dire de travestissement du don en échange. Ainsi les marchands du temple sont-ils le paradigme de la prostitution du don en échange, de l’événement en objet, de la dignité de la personne humaine en liberté inconditionnée. Surtout, ce que le Christ fait à ces marchands est un modèle pour l’antipolitique : empêcher, avec la part de force que cela implique, les empiétements du pouvoir politique sur les corps, les esprits et les âmes. Il est bien question ici d’une action politique, mais c’est une action contre les excès du pouvoir politique.
Ainsi, l’antipolitique a pour vocation de rétablir la juste hiérarchie des questions politiques. On parle aujourd’hui des « questions de société » ou du « sociétal » pour relativiser l’importance des questions qui touchent à la préservation de la personne humaine. La question sociale serait plus importante, le sociétal étant réservé à quelques bourgeois oisifs qui ne subissent pas la violence des rapports de production. En réalité, il est opportun de rappeler le mot de St Augustin au début de la Cité de Dieu : « une cité sans mœurs est une cité sans mur ». Autrement dit, on aurait beau restaurer le plein emploi, si la dignité de l’homme n’est pas respectée, le chaos sera bien là – un chaos invisible, mais un chaos tout de même, puisque le fil même par lequel on tisse l’ordre politique serait en voie de décomposition. C’est la raison pour laquelle l’antipolitique n’est pas réservée aux catholiques(9). Un homme de bonne volonté pourrait la faire sienne, dès lors qu’il aurait à cœur de ne pas blesser l’intégrité de l’homme. En ce sens, l’antipolitique, c’est l’expression politique de l’humanisme intégral.
7 Il y aurait ainsi cléricalisme lorsque les laïcs se perçoivent non comme distincts des clercs, mais comme leur exécutant dans le champ temporel. En ce sens le cléricalisme peut contaminer les laïcs, s’ils ne prennent pas conscience de la spécificité de leur ministère.
8 Cité par Joseph Ratzinger dans ses « Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles » du 3 juin 2003. Le futur Pape parlait ainsi d’une « tentative légitime et nécessaire visant à abroger au moins de manière partielle une loi injuste quand son abrogation totale n’est pas encore possible ».
9 Comme toute vue authentiquement catholique sur la Cité, d’ailleurs.
Ni Conservateurs, ni Progressistes nous sommes des Préservatifs ! Ce petit cordon élastique qui s’immisce pour éviter les fuite du Césarisme !
A propos du passage:
« C’est sans doute ce qui s’est passé durant l’année de mobilisation contre l’adoption et le mariage pour tous, où l’on a vu « Frigide Barjot » défendre la possibilité d’une alliance civile suite au vote de la loi le 23 avril, au grand dam de certains évêques qui la soutenaient, mais conformément à une possibilité laissée par le magistère. Depuis Evangelium Vitae on sait en effet que l’on peut « licitement apporter son soutien à des propositions destinées à limiter les préjudices d’une telle loi et à en diminuer ainsi les effets négatifs sur le plan de la culture et de la moralité publique »(8) »
Le CUC n’ a pas pour but de limiter les effets de la Loi Taubira (ce qui est le cas en lutant contre la possibilité d’adoption ou de l’extension de la PMA …)
Il vient au contraire légitimer une « union » (!) entre partenaires de même sexe en banalisant l’homosexualité au rang de sexualité possible (comme si il y avait un panel)Or il n’y a pas « union sexuelle » (impossibilité de fait) mais « pratique sexuelle », ce qui chosifie l’ être humain au rang d’objet de désir ….
Cette reconnaissance du CUC (ou un vote par référendum) rendrait casi inattaquable voir contestable l’obtention de ce « droit ».
De plus de CUC dans tous les cas mènerait lui aussi à l’adoption ainsi qu’à la PMA devant la CEDH: http://marker.to/JqXI4r
Merci