Les Alternatives Catholiques

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Atelier de formation | Laboratoire d'action – Café & Coworking "Le Simone" à Lyon

Nouveaux couples, nouveaux marchés

Voici la réaction de Paul, président, à la campagne de pub d’Eram, lors d’une de ses chroniques philosophiques sur RCF


« La chair et le sang importent peu au capitalisme ! »

Eram a lancé au début de cette année une campagne publicitaire ciblant ce qu’on appelle les nouveaux modèles familiaux. On y voit ces nouveaux couples avec à chaque fois une phrase de leur enfant : le couple lesbien « Comme disent mes deux mamans, la famille c’est sacré », ou encore la famille recomposée « Comme disent mon papa, ma maman et la troisième femme de mon papa, la famille c’est sacré », et enfin le couple d’âge différent « Comme disent ma maman et son petit copain qui a l’âge d’être mon grand frère, la famille c’est sacré ». Plus qu’un scandale moral, il faudrait y voir un phénomène économique : l’émergence d’une nouveau marché ?

Assurément, c’est la loi de toute publicité, il faut faire parler, et si possible choquer. Eram ne déroge pas à la règle, et veut choquer ce qu’il reste de bon sens. Mais peu importe le scandale moral, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est que ce qui est présenté comme le progrès de « nouveaux modèles familiaux » est surtout un progrès pour le marché. En effet à quoi sert une publicité ? A conquérir un marché. Il suffit d’observer n’importe quelle publicité pour voir qu’elle s’adresse aux femmes, aux hommes, aux enfants, ou aux jeunes. A chaque catégorie sociologique ses codes, que le publicitaire doit déchiffrer pour séduire. Et là la publicité est très réactionnaire : rose pour les filles, viril pour les garçons, désinvolte pour les jeunes.

A bien considérer cette campagne publicitaire, c’est le marché de l’enfant unique qui est ici visé. Peu importe que le couple soit lesbien, recomposé, ou d’âge différent, chaque publicité présente un couple avec un unique enfant. Or cela a un sens avant tout économique. Imaginez une publicité avec une famille bien traditionnelle, une mère au chignon, un père à nœud papillon et grosses lunettes marrons, le couple étant entourés de leurs huit enfants. Maintenant inscrivez la même phrase qu’Eram : pour mes parents et mes septs frères et sœurs, la famille c’est sacré. On crierait au fachisme, ou au retour de l’intégrisme. Oui, on verrait là une apologie morbide de la fidélité doublée d’une ruineuse procréation non assistée. A vrai dire une telle publicité est impossible. La famille étant avec le monastère, la seule société communiste fonctionnant depuis les origines de l’humanité, les biens y sont divisés entre chaque membre ; donc pour une famille moyenne avec huit enfants, il ne reste pas grand-chose pour le shopping. Chaque nouvel enfant appelle un nouveau partage des richesses. La richesse d’un foyer décroit en fonction du nombre d’enfants. C’est pourquoi Eram présente une famille avec un seul enfant : c’est celle qui par définition consomme le plus. La nouvelle famille serait donc surtout recomposée aux exigences du marché. Pour Eram, si « la famille c’est sacré », elle pourrait bien montrer aussi un papa et une maman avec leur unique enfant, et pas seulement la famille homosexuelle, recomposée, ou hétéro-générationnelle. Or ce n’est pas le cas. La famille avec un papa et une maman, ça c’est du passé. Peut-être parce que c’est le passé de la Consommation. Pour le capitalisme le couple hétérosexuel est has been, parce qu’il consomme moins, et a une fâcheuse tendance à se repasser les vêtements de l’aîné au benjamin. Mais alors les couples homosexuels sont-ils toujours aussi subversifs que l’étaient les Jean Genet et les Pasolini ? Pour le capitalisme en tout cas, ils ne sont ni déviants ni pécheurs, ils sont de meilleurs consommateurs. Tout se passe comme si l’homosexualité était devenue un marché comme un autre : les couples homosexuels n’ont pas encore des droits reconnus, mais on les reconnaît déjà comme des consommateurs qu’il faut séduire.  

Pour le capitalisme, le couple hétérosexuel est donc  un modèle dépassé ?

Oui, et il mérite d’être sacrifié, c’est pour cela qu’Eram ne fera jamais de publicité qui lui serait consacrée. Les familles au vrai sens du terme ne méritent plus d’être habillées par Eram. Et en effet, en  lisant la page Facebook d’Eram j’ai lu cette phrase d’une mère de famille désabusée : « vous venez de perdre huit clients ». C’est vrai que la famille sacrée dont parle Eram n’est pas ce que depuis des milliers d’année on appelle famille, c’est-à-dire non pas une simple association d’individus, fussent-ils issus de l’amour de deux êtres, mais association issue de l’engendrement. C’est par l’engendrement que la famille se distingue des autres associations : l’école, l’entreprise, les bonnes œuvres ne supposent pas que tous leurs membres soient nés d’un acte charnel. Ainsi Eram confond le couple et la famille. Or le couple n’est pas la famille : le couple c’est l’association de deux individus, la famille c’est la lignée issue d’un engendrement. Pour qu’il y ait une famille il faut deux choses, il faut qu’il y ait de la chair et du sang. Ce n’est pas l’amour qui fonde la famille, c’est l’engendrement. Qu’une brute charme un soir une idiote, et que par mégarde un rejeton en naisse, cela suffit pour qu’il y ait famille. Mais qu’un amoureux regarde avec le plus d’intensité possible son amoureuse (ou son amoureux), cela ne fera pas famille, car aucun poupon n’est jamais né d’un sentiment. Pas de famille sans possibilité au moins organique d’engendrer. La famille n’existe pas d’abord par la volonté, mais par deux chairs qui en font naître une troisième, liée au deux premières par les liens du sang. Mais la chair et le sang importent peu au capitalisme.

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