Hier, scandale : un lycée catholique parisien, de ces lycées BCBG qui attirent les têtes blondes des plus riches, était accusé dans un « cours de catéchisme » d’avoir fait venir « Alliance Vita », laquelle aurait dit que l’avortement était un « homicide volontaire ».
Deux éléments rendent, notons-le, cette information peu crédible : d’abord que Alliance Vita intervienne en cours de Caté, et ensuite qu’elle soutienne une rhétorique pro-life aussi basique. Ces deux points ne correspondent pas à sa stratégie de communication, qui est d’être le plus laïc possible, et le moins caricatural possible. Il suffit de voir leur site ou ce type d’article.
Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui est intéressant, c’est que ce lycée est loin d’être dans une ZEP. Il s’agit bien de l’un des plus prestigieux lycée français. Or ce lycée est catholique[1]. Or l’Eglise catholique est opposée à l’avortement. Cette affaire montre ainsi l’ambivalence d’une certaine bourgeoisie, conservatrice sur le plan du Capital, mais très libérale sur le plan du Travail et des Mœurs. C’est ce que Clouscard, Michéa et d’autres appellent l’esprit libéral-libertaire de cette bourgeoisie. Cet esprit libéral-libertaire voudrait d’un catholicisme inversé : Conservation sur le plan économique et Subversion sur le plan moral. Or l’Eglise subvertit les pratiques économiques (vends tes richesses et suis-moi), et conserve ce que les mœurs traditionnels peuvent avoir de salutaire.
Cette bourgeoisie a du flair. C’est vrai, voilà longtemps que les catholiques se chargent de l’éducation des enfants. Force est de constater, à en croire les listes d’attentes pour entrer dans ces écoles, qu’ils savent s’y prendre, et que l’Eglise mérite, quand même, son titre d’ « experte en humanité ». Seulement voilà, c’est à partir d’une vision de la dignité de l’homme, de la dignité de tout l’homme et de tout homme, même microscopique, même seulement en puissance dans le sein de sa mère, que l’Eglise éduque si bien les enfants. La bourgeoisie est donc, lorsqu’elle veut bien des bons professeurs et des bons éducateurs mais pas de leurs idées arriérées, littéralement hérétique : elle voudrait choisir ce qu’il lui plaît dans la vision catholique. Un peu comme ceux qui voudraient servir les pauvres sans le Christ.
bonjour,
Il ne faut pas être catholique pour constater que l’avortement, comme l’euthanasie, sont des meurtres, des homicides volontaires avec préméditation.
Même si je judaïsme et l’islam ont la même vision des choses, c’est d’abord une question de bon sens, de bonne foi, qui dépasse toute religion.
Non seulement ce sont des homicides volontaires, mais encouragés au niveau d’un groupe, d’une nation, ce sont des génocides.
L’être humain, un être nouveau, différent de sa mère, différent de son père, existe dès la fécondation de l’ovule d’une femme par le spermatozoïde d’un homme. (jamais de deux ovules ou de deux spermatozoïdes).
Dès la première minute, c’est un être humain à part entière,en devenir.
Au début il est certes microscopique,, mais pas homme potentiel; il est homme; homme complet, homme en développement et plein de potentiels qui vont se développer.
Personne n’avorte de gaité de coeur.
MAIS ne nous trompons pas sur les acteurs :
Lorsqu’un avortement est pratiqué, il y a toujours un PÈRE qui ne soutient pas celle qu’il a faite mère.
Une certaine bourgeoisie qui compte sur l’éducation catholique à condition qu’elle ne soit pas catholique pourrait-elle aussi ne pas voir la relation entre l’acte masculin et la paternité, entre prendre dans ses bras et soutenir, entre être homme et être époux et père ?
Loys vous avez cent fois raison.
Le père est parfois laissé dans l’ignorance et la décision prise par la femme seule, mais dans la très grande majorité des cas c’est l’homme, le père, qui pousse une femme, une mère, à avorter ne fut-ce que par un silence coupable et une réprobation tacite. Je pense même que le plus souvent ils ont la plus grande part dans la décision; ils sont plus que complice, la part active de la décision leur revient, la mère se soumettant passivement.
L’article est vraiment étonnant, il repose sur la dissociation du bourgeois et du catholique ; le bourgeois serait libéral-libertaire, mais, sans répugner à la contradiction, il confierait ses enfants aux « catholiques », manière de reconnaître, derrière l’idéalité de son discours libertaire, les bienfaits réels d’une éducation conservatrice. Le catholique est alors abstrait de toute forme d’appartenance sociale, sauf évidemment, la plus irréelle, à savoir son appartenance religieuse. or, le constat sociologique est évidemment irréfutable, la quasi-totalité des militants anti-avortement sont peut-être pour beaucoup des catholiques, ils sont surtout des bourgeois. Qu’il existe une bourgeoisie non-catholique, nous ne le nions pas, mais il faudrait aussi rappeler que la catholicisme est devenu une religion de bourgeois, et que la plupart des catholiques, d’autant plus lorsqu’ils sont des militants catholiques, sont justement des bourgeois. Il y a bien une lutte entre deux factions de la bourgeoisie – catholique et athée pour faire très vite – et il serait malhonnête, à l’image de l’article, de transformer cette lutte au sein de la bourgeoisie en une lutte entre la bourgeoisie et le catholicisme, manière sournoise de donner à celle-ci une légitimité populaire depuis bien longtemps morte – si le catholicisme n’est pas bourgeois, c’est finalement qu’il aurait quelque chose à voir avec le peuple, telle est la conséquence logique d’une telle dissociation du catholique et du bourgeois. Pour résumer, on concédera qu’une grande partie de la bourgeoisie n’est pas catholique, mais le véritable enjeu pour un christianisme populaire qui maintiendrait sa fidélité à Rome, c’est de comprendre pourquoi le catholicisme est devenu une religion de bourgeois. Sans cette interrogation fondamentale – que peu de catholiques posent justement parce qu’ils sont des bourgeois redoutant la remise en cause de leurs privilèges de bourgeois, inventant alors de faux problèmes et de fausses solutions pour concilier l’inconciliable, à savoir leur aspiration à l’universel et le particularisme de leur classe – sans cette interrogation, tous les efforts d’évangélisation resteront vains, le catholicisme demeurera, en France, une religion de distinction, c’est à dire non plus seulement une religion de bourgeois, mais une religion d’aristocrates
Ce point de vue est bien celui d’un Européen : allez un peu en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie et dites-nous si le catholicisme y est une « une religion d’aristocrates ». Quitte à faire de la sociologie des religions, soyons universels en nos approches.
Je ne dis bien évidemment pas que le catholicisme est une « religion d’aristocrate ». Je parle d’une certaine utilisation du catholicisme, de sa capacité à éduquer, par ce qu’on peut appeler la « bourgeoisie ».