Les Alternatives Catholiques

Les Alternatives Catholiques

Atelier de formation | Laboratoire d'action – Café & Coworking "Le Simone" à Lyon

Discours de départ

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Publié le 4 juillet 2024 Aucun commentaire

Je prends la parole ce soir dans un contexte émouvant, sur un plan aussi bien personnel que collectif. Personnel, parce que je m’apprête à passer la main en tant que président, après trois années de présidence et neuf années d’engagement dans l’association des Alternatives catholiques. Collectif, parce que l’aventure du Simone connaît un véritable moment de relance comme nous n’en avons pas connu depuis la création du lieu.

Permettez-moi de dire quelques mots de ce que fut cette aventure, en guise de remémoration, de témoignage et de transmission.

 

Je n’ai pas fait partie de l’équipe qui a créé le Simone, mais j’étais déjà engagé depuis l’année précédente dans l’association et j’étais là le jour de l’ouverture, le 1er avril 2016, face à cet espace encore très épuré, ces grands murs blancs, sans panneau au-dessus du bar, avec tous les possibles devant nous. L’association, enfin, avait un lieu.

Paul Colrat, qui était alors président, a écrit un très beau texte sur le statut du lieu : je ne le reprendrai pas, vous pouvez le trouver sur le site et dans le classeur créé par Églantine pour faire mémoire de ces huit années d’existence du Simone. J’en retiens de façon particulière la faculté à susciter la rencontre : depuis quelques années, on parle de tiers-lieux, et c’est bien ce qu’est le Simone, de façon exigeante, par ses horaires d’ouverture que peu de tiers-lieux équivalents peuvent offrir et par l’accueil de coworkeurs qui en sont les usagers, oserais-je les habitants, les plus réguliers.

Mais il ne s’agit pas seulement d’avoir des murs et de laisser les portes ouvertes. Le Simone est né de la volonté d’une association de jeunes laïcs d’être un « atelier de formation » en même temps qu’un « laboratoire d’action ». En tant que tiers-lieu, le Simone est un lieu autre, à la marge, ou dans les interstices, c’est-à-dire un lieu par excellence d’interface, pour réfléchir et vivre autrement dans un cadre fécond une autre manière de vivre en commun et d’interroger le monde dans lequel nous vivons. Autrement dit, c’est une autre manière de penser et de vivre la politique, au sens le plus noble du terme, et c’est ce qui constitue la colonne vertébrale du lieu, à l’exemple de son égérie, Simone Weil, qui a poussé très loin à la fois sa réflexion philosophique, son engagement social et sa recherche spirituelle, dans une liberté qui l’a rendue inclassable.

C’est une position de liberté et d’exigence. Cette liberté a été voulue par le diocèse, et nous ne pourrons jamais assez remercier pour cela le cardinal Barbarin et la Fondation Saint-Irénée, alors présidée par Étienne Piquet-Gauthier, pour la confiance qu’ils nous ont faite et la responsabilité qu’ils nous ont ainsi confiée. Le Simone devait être, et je crois que la promesse a été remplie, un lieu de formation, de réflexion, de recherche, de rencontre, à la lumière de la Doctrine Sociale de l’Église. Il s’agissait, il s’agit encore, de réfléchir à la manière dont l’Église est dans le monde, dont elle peut s’adresser à lui mais aussi être éclairée ou interpellée par lui, selon les principes de Lumen Gentium que Gonzague de Longcamp a rappelés en janvier dernier. Cela passe par un souci de formation constant sur des thèmes variés : politique, économie, société, culture, éducation, écologie… non pas pour formuler d’emblée une proposition catholique, mais pour se donner les moyens de comprendre ce qui se joue aujourd’hui, de chercher les lignes de fracture et d’interroger au besoin ceux dont l’expertise peut nous aider à réfléchir sur ces enjeux contemporains, en acceptant d’affronter le désaccord.

Le Simone questionne, interroge, permet des rencontres qu’un lieu plus central ne permettrait pas forcément, pour essayer d’avancer, quitte à regarder en face des difficultés. Certains se souviennent peut-être ici de la grande soirée sur les crises dans l’Église, avec un Simone plein à craquer pour entendre des laïcs de tous âges réfléchir aux problèmes rencontrées, ou encore de la journée sur les migrants, où des catholiques de toutes orientations politiques ont pu échanger ensemble et prendre le temps de s’écouter. Nous pouvons être fiers encore de tout le travail et de tous les échanges qui ont conduit à la journée sur les suites du rapport de la CIASE, en permettant de faire se rencontrer des membres de la CIASE ou des instances de réparation mises en place, des victimes, des théologiennes, des laïcs engagés. Ces engagements passés dessinent une expertise et créent des traditions qui nous obligent, comme celle des rencontres avec des musulmans, avec qui nous avons des liens qui datent d’avant même l’ouverture du Simone, ou encore dans le travail sur la crise écologique majeure dans laquelle nous sommes engagés.

 

Tout cela tient à la situation du Simone sur une marge, et à sa capacité à constituer une interface. Nous sommes catholiques sans prétendre parler au nom de l’Église ou d’un groupe particulier au sein de celle-ci et c’est ce qui permet de rassembler aussi bien des croyants très variés que des non-croyants. On peut parler d’une identité ouverte, mais ouverte parce que catholique, et capable à ce titre de susciter une unité qui accepte les nuances et les différences.

Cette diversité se manifeste dans les multiples façons d’arriver au Simone : un jour de pluie, par hasard, pour prendre un chocolat chaud ; un soir pour une conférence, ou bien pour venir chanter ou encore réciter des poèmes ; pendant des mois, parfois des années, pour y travailler dans un cadre chaleureux et vivant ; de façon régulière, pour des groupes réguliers de réflexion, de création ; à l’occasion d’un vernissage… Certains y entrent en connaissant le lieu, d’autres le découvrent à cette occasion, mais les retours sont le plus souvent enthousiastes. Notre objectif pour que ce lieu reste vivant, c’est qu’une personne qui est arrivée pour une raison y revienne pour une autre, qui pourrait n’avoir rien à voir, qu’elle s’enrichisse, se forme, et pourquoi pas s’engage.

Je suis arrivé ici pour m’occuper de conférences sur la Bible, j’y ai chanté et récité des poèmes, j’ai participé à l’œuvre éditoriale du Percolateur, créé un atelier d’hébreu biblique, j’y suis devenu photographe, barista, chef d’entreprise, et même époux, puisque c’est ici que j’ai rencontré mon épouse !

 

Mais le Simone est aussi un lieu d’où l’on part, après des années qui comptent comme peu d’autres, pour de nouveaux engagements que le temps passé ici nourrit de façon indélébile. Beaucoup sont déjà partis : le temps est venu pour le président que je suis de passer la main, après Paul et Arthur avant moi. Mais cela ne concerne pas que moi, puisque c’est cette année le cadre formel de l’association des Alternatives catholiques qui s’apprête à laisser la place, afin de pouvoir relancer l’an prochain le Simone sur un modèle renouvelé, plus associatif que jamais, avec un nouveau bail à long terme, et porté par une équipe rajeunie qui s’est à son tour appropriée toutes les facettes du lieu.

Je me souviens, avec gratitude, de tous les visages croisés ici depuis huit ans, depuis l’ouverture et l’inauguration à laquelle peut-être certains d’entre vous étaient déjà présents. Les gens passent, mais beaucoup arrivent et la communion demeure : dans les temps troublés que nous traversons, c’est un beau signe d’espérance.

 

Longue vie au Simone !

30 mai 2024, huitième anniversaire du Simone

Hieronyme
Homme de l'Antique. Exégète à ses heures.

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