Les Alternatives Catholiques

Les Alternatives Catholiques

Atelier de formation | Laboratoire d'action – Café & Coworking "Le Simone" à Lyon

Une série à voir : « Peaky Blinders », des brigands catholiques

Articles
Publié le 24 novembre 2017 Aucun commentaire

Paru dans le Percolateur n°3, en vente uniquement au Simone (1 euro)

 

Les Peaky Blinders ne sont pas des enfants de chœur, mais ils sont catholiques. Avec leur caban, leur écharpe en soie, leur pantalon à pattes d’éléphant et leurs bottes coquées, ce groupe de malfrats sévissait à Birmingham après 1918. L’image qu’a voulu en donner Steven Knight s’inscrit dans la guerre aux accents théologico-politiques qui agitait l’Angleterre.

Le décor est catholique, de la Sainte Vierge dans la maison des héros au crucifix tatoué sur la poitrine d’Arthur Shelby. Mais la catholicité est plus qu’un décor dans la famille Shelby. Ainsi quand Thomas Shelby veut démasquer Grace qui se fait passer pour une catholique irlandaise, il l’emmène dans une église. En bonne protestante elle ne se signe pas en entrant – Thomas a démasqué la fausse catholique. Ce stratagème montre que le héros, quoiqu’il se déclare athée, ce qui est la moindre des choses pour un rescapé de la Grande Guerre, connaît très bien les usages catholiques.

Par leurs crimes, leurs frasques et leur goût pour les jeux d’argent, les Peaky blinders nous rappellent que ce n’est pas la moralité qui fait le catholique. Leur immoralité elle-même est une occasion d’entrevoir la corruption générale : leur regard de réprouvé nous fait voir à quel point derrière les « gens biens » se cachent des meurtriers en gants blancs, et à quel point l’Etat par ses secrets criminels ressemble parfois à une mafia. C’est ainsi que le héros de la série participe à des assassinats secrets, mêlant conjointement l’Etat profond avec les Irlandais unionistes. Shelby, pas plus salaud que Churchill, mais conscient de l’être. C’est ce qui donne lieu à un dialogue sotériologique surprenant entre Thomas Shelby et l’immonde commandant Campbell dans le dernier épisode de la saison 2 : « Il y a une chose que je tiens pour certaine, c’est que vous êtes promis à la damnation. Pour ma part j’ai l’amour du Seigneur et la certitude de mon salut » dit le calviniste, visiblement bien au fait de la doctrine de la double prédestination.

Mais tout cela resterait anecdotique si la catholicité des Shelby n’était pas profondément politique. La réalité indépassable est pour eux la paroisse, c’est-à-dire la commune. Ils s’organisent par eux-mêmes, dans la plus parfaite subsidiarité, pour faire régner l’ordre dans leur paroisse. Certes ils ont servi l’Etat anglais en combattant pour l’Angleterre protestante lors de la Grande Guerre, mais comme de bons catholiques : seulement au moment où il le fallait. Leur fidélité à l’Etat est raisonnée et non idolâtrique. Telle est la différence théologico-politique qui les sépare des protestants, notamment du commandant Chester Campbell qui dirige la police : ils ne défendent pas les intérêts de l’Etat inconditionnellement, mais seulement au moment où la justice l’exige. La Raison d’Etat, ratio diabolica, est inférieure à leur piété pour leur commune. On pourrait ajouter que les Peaky Blinders sont hostiles à l’universalisme politique ambigu qui à l’époque concurrence l’Eglise catholique : le colonialisme. La série commence par le vol de fusils de guerre que l’Etat anglais prévoyait d’envoyer en Libye. Thomas Shelby commet ce vol par mégarde. Par mégarde donc il empêche une opération coloniale. Saint Paul aurait dit : il est anti-colonialiste comme s’il n’était pas anti-colonialiste.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *