Les Alternatives Catholiques

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Lettre à mon oncle au sujet des migrants à Versailles

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Publié le 21 octobre 2016 7 commentaires

                    Mon cher oncle,

                    J’ai lu votre document concernant la pétition contre l’installation d’un camp de migrants à côté de Versailles. J’ai été assez intéressée par un certain nombre d’arguments souvent issus de l’enseignement de l’Eglise, qui, dans le cadre d’un débat sur la politique d’immigration de la France à long terme, m’auraient semblés tout à fait valables. Cependant j’ai ressenti un certain malaise, car le débat me semble autre ; il s’agit d’accueillir ou de rejeter des gens qui sont déjà là. Or s’agissant de ce problème précis, comprenez que beaucoup de chrétiens peuvent se sentir blessés que d’autres chrétiens choisissent de fermer leur porte et surtout de dire qu’ils le font en tant que chrétiens.
Oui, une politique qui ne régule pas l’immigration est irresponsable parce qu’elle met gravement en péril un pays qui connaît déjà des crises économiques, sociales ou éducatives. Oui, la charité doit être bien ordonnée et suppose sagesse et justice, en particulier en ne menaçant pas, sous prétexte d’ouverture, la sécurité des autochtones. Oui, la charité véritable consiste à accueillir si on peut véritablement le faire, et non à simplement proposer d’entasser les populations dans des centres pour réfugiés. Tout cela a conduit aux nombreux problèmes que l’on connaît. Mais la réponse adaptée est-elle un rejet publiquement exprimé, qui risque plutôt d’exacerber les tensions que de conduire à la paix ?
On comprend que la perspective d’avoir de tels centres à proximité de chez soi soit inquiétante, surtout quand on habite un lieu si protégé et agréable que Versailles, et je pourrais bien sûr en dire autant de l’arrondissement privilégié de Lyon où j’habite moi-même. D’un coup la misère, l’insécurité, la violence, dont nous entendions parler comme le quotidien de ces populations, qu’ils soient réfugiés de guerre ou même migrants économiques, situations lointaines qui nous préoccupaient pourtant un peu si l’on a le cœur pas trop dur, les voilà chez nous, nous allons même y être concrètement confrontés. Pas en banlieue chaude, là où en général nous avons pris l’habitude de la savoir recluse, cette misère, mais sûrement dans nos rues, nos HLM, chez nos commerçants, parfois dans nos paroisses.
Perspective angoissante, il est vrai, dont on ne sait ce qui sortira, et qui risque de fragiliser bien des équilibres que nous nous efforçons péniblement de maintenir pour éduquer nos enfants dans des lieux qui soient les plus sereins possibles.

                    Pourtant une parole qui m’a souvent accompagnée m’est revenue :
« À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage » (Luc, 12)
Puis, le même jour, j’ai lu le nouvel appel du Pape, qui a insisté une fois encore :
« Le chrétien qui ferme sa porte aux réfugiés est un hypocrite » https://fr.zenit.org/articles/le-chretien-qui-ferme-sa-porte-aux-refugies-est-un-hypocrite/
Ras le bol, me direz vous peut-être comme beaucoup, de ce pape qui se mêle de ce qui ne le regarde pas, c’est à dire de politique. Pourtant ce n’est pas parce que son pouvoir est spirituel et non temporel que l’Eglise doit se désintéresser des questions politiques ; elle s’y intéresse par souci du bien commun. Et s’il est légitime de distinguer les questions qui concernent la charité privée et la politique, comme le fait le texte de la pétition, on ne peut pas non plus les séparer. La politique est une forme de charité ; de même que certains actes politiques sont à mon sens contraires à la charité.

                    Or là pour une fois le Pape ne fait pas directement de la politique puisqu’il s’adresse à nous chrétiens, et nous met en garde contre notre propre hypocrisie. Je comprends qu’on puisse être très agacé par les propos du pape…mais bon nous ne sommes pas protestants ; et malgré nos réticences et nos incompréhensions nous croyons qu’il a été élu par les cardinaux sous l’inspiration divine, et qu’il est le Pape qu’il faut à notre temps. On ne peut donc pas faire comme s’il n’avait rien dit, que cela nous plaise ou non.

                    Alors, sommes nous sûrs, sous couvert de bons arguments politiques ou théologiques prétendument tendus vers le bien commun, de ne pas être en train de simplement protéger nos intérêts, en cherchant coûte que coûte à préserver les derniers bastions de notre confort bourgeois ? Avons nous tout fait pour exercer la charité, pour montrer l’exemple qui devrait être le nôtre dans ce domaine ? Car il ne s’agit pas en l’espèce de proposer un discours général sur nos choix d’immigration, réflexion par ailleurs absolument nécessaire, et qui doit faire preuve de prudence comme toute décision politique. La situation est urgente, des êtres humains sont là qui attendent une réponse. Et dans ce face à face, il ne me semble pas que les considérations de prudence doivent l’emporter sur la charité, dût-elle comporter des risques. Des familles, des enfants et pas seulement des hommes seuls – et quand bien même… – frappent à notre porte. Serons nous les premiers – nous catholiques, catégorie dont on sait qu’elle est, en France (contrairement à d’autres pays du monde, en particulier ceux du continent dont vient le Pape) sociologiquement plutôt privilégiée sur le plan économique et culturel – serons nous les premiers à leur claquer la porte au nez ? C’est l’effet que me fait une telle pétition. Nous organiserons nous pour déplacer le camp qui menace d’être mis à côté de chez nous ? Et si nous les refusons à Versailles, ne croyez vous pas qu’ils seront mis à Givors ou à Valencienne, là où les populations rurales ou ouvrières plus pauvres et moins formées, sauront certainement beaucoup moins se faire entendre, et souffriront d’autant plus qu’elles ont déjà largement accueilli les flux migratoires précédents. Est ce vraiment charitable pour nos concitoyens ?

                    Je me dis que lorsqu’on a refusé Marie et Joseph à l’auberge de Bethléem, vraiment, il n’y avait plus de place. Mais refusant de faire cette place, c’est le Sauveur qu’ils n’ont pas accueilli parmi eux. Avons nous épuisé toutes nos ressources d’accueil, nous catholiques français qui avons tant reçu ? Sommes nous si démunis que cette pétition le laisse entendre ? N’avons nous rien à offrir pour un accueil plus digne de ceux qui sont déjà chez nous? Que faisons nous de ce qui nous a été donné? Et si nous désespérons, qui pourra espérer ?
L’heure est peut-être venue de prendre notre part de la misère du monde ; je me demande si ce n’est pas ce sacrifice là que notre Pape nous demande de faire. Considérer le bien d’autrui avant le nôtre, en commençant par ne pas opposer notre refus à ceux que notre pays accueille. Un acte authentiquement charitable fait toujours un peu souffrir, disait Sainte Mère Teresa… Et Saint-François embrassant le lépreux prît le risque d’attraper la maladie. Ferons nous ce pas, nous catholiques français, choyés par la vie, je ne sais… moi même, en serai-je capable ? Avec la grâce de Dieu, et l’espérance chrétienne, peut-être.

Marine de P.

7 thoughts on “Lettre à mon oncle au sujet des migrants à Versailles”

    1. Bravo pour ce cour cette lettre. Je n’aurai pas su dire aussi bien mon ressenti devant la réaction de rejet, voire de haine, dans beaucoup de coin de France, dont ma propre région roannaise où je vis. Merci

  1. Félicitation Marine : qu’allons Ns faire nous citoyens et chrétiens pour ces femmes ces hommes et ses enfants qui leur soit utile ? Reconnaître leurs diplômes et les former, organiser des transports en commun ou leur donner des moyens de locomotion, les accompagner dans leurs demarches, partager avec eux notre sur abondance et recevoir d’eux la richesse d’une rencontre. Debout les Mairie et paroisse avoisinantes !

    1. Si c’est pour les transformer en bon citoyen qui fait bien la différence entre le spirituel et le temporel, les sortir du dogme islamique qui ne laisse que terre brûlée derrière lui, et leur montrer le chemin qui mène au Christ, seule porte du Salut (Matthieu 7,13), c’est parfait…. Sinon, je ne sais pas qui sont les hypocrites !

  2. Bravo, tu as trouvé les mots qui sont justes et remettent en avant l’importance de notre cohérence chrétienne.

  3. Une lettre intéressante… dont je ne partage pas toutes les vues… notamment:
    1) l’auteur semble ne pas savoir qu’il s’agit d’hommes célibataires jeunes et non de « familles »…ce qui est très différent.
    2) le principe même du camp de migrants est porteur de désordre : rassembler dans un même lieu des dizaines/centaines d’hommes désoeuvrés, sans aucun suivi social…. bref, on sait tous ce que ça donne ! Garez vos filles!
    3) la politique du gouvernement sur Calais est largement dépendante de la bien-pensance médiatique, et clairement irrespectueuse du droit français, (car comme le dit un juriste dans un article du Figaro Vox d’hier: il ne s’agit pas de réfugiés mais d’immigrés illégaux.) Ainsi, il semble que ce soit aux citoyens français de rappeler à l’état son rôle… et nous n’avons d’autres moyens que les urnes et les manifestations, pour cela… alors oui, accueillir un camp de migrants ou non, c’est influencer la politique gouvernementale française.

  4. Bravo à Marine pour sa lettre qui témoigne de sa grandeur d’âme et de sa générosité!
    Malheureusement, j’ai bien peur que ce type d’idées appartiennent en réalité aux « idées chrétiennes devenues folles » de Chesterton!
    Tout le monde n’est pas aussi parfait que vous et votre solution ne peut qu’encourager l’immigration clandestine et illégale (voir la lettre d’Anne Guéry) et entraîner des troubles à très brève échéance.
    Le rôle des politiques est de prévenir ces troubles et de préserver la paix dans notre pays. La paix est un équilibre fragile, attention!
    La seule solution viable et humaine est que la majorité d’entre eux retourne chez eux : les réfugiés économiques dans leurs pays d’origine, les réfugiés victimes de guerre dans les pays voisins (ex : les monarchies pétrolières du golfe pour les ressortissants d’Irak et de Syrie). Ce retour doit s’accompagner de mesures d’aides généreuses envers ces pays : accueil d’étudiants en France en vue de former une élite locale (et non pour piller les meilleurs éléments de ces pays!) qui sera la plus à même de développer harmonieusement son pays, aide au développement de leurs industries, de leur agriculture, envoi de coopérants (pourquoi ne pas rétablir à ce effet le service national, avec comme objectif d’envoyer un grand nombre d’étudiants aider ces pays à se développer), …
    Si on ne fait pas ça, compte tenu du rapport de force entre les populations européennes et africaines/asiatiques, il ne faudra pas attendre bien longtemps avant que des troubles de grande ampleur se produisent en Europe. Mieux vaut réagir avant que ces troubles n’éclatent, après cela sera beaucoup plus douloureux …

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