Quel dialogue inter-religieux avec les musulmans ? Le Cardinal Tauran répond aux Alternatives Catholiques
En voyage à Rome avec Mgr Rey, l’Observatoire socio-politique du diocèse de Toulon, et un groupe de personnalités engagées sur le terrain politique, les Alternatives Catholiques ont participé ce 23 juin à un dîner auquel était convié Mgr Tauran. Président du Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux, le cardinal Tauran a répondu à des questions de l’assistance sur ce sujet.
La question posée par les Alternatives Catholiques au Cardinal Tauran était la suivante : « Les Alternatives Catholiques ont tissé des liens avec de jeunes musulmans dans le but premier d’élaborer des réponses communes dans le champ politique au-delà d’un échange sur leur foi respective. Quel dialogue est aujourd’hui possible sur le terrain politique entre catholiques et musulmans ? »
Le dialogue premier est celui de la vie : le fait d’aller à la rencontre de l’autre et d’apprendre à le connaître dans notre quotidien. Ensuite la rencontre entre catholiques et musulmans est essentiellement une rencontre entre croyants et non une rencontre de foi. Quelque chose de particulier se joue à l’heure actuelle entre les jeunes catholiques et musulmans avec une plus grande sécularisation des musulmans de la troisième génération.
Des questions délicates demeurent dans le champ socio-politique comme celle des mariages mixtes. La polygamie est un autre point de désaccord même si elle est souvent moins pratiquée aujourd’hui du simple fait de son coût économique. La liberté de conscience et la possibilité de changer de religion est sans doute la question la plus sensible dans le dialogue avec les musulmans.
Des points communs apparaissent effectivement sur les questions éthiques, notamment sur la question de la Vie. Lorsque la maternité a failli être reconnue comme « maladie » à l’ONU, il y a eu une opposition claire des pays musulmans.
Du point de vue culturel, de bonnes relations existent. La différence est alors une réelle source de richesse. Mais il est aussi nécessaire de se retrouver à partir d’une culture partagée, d’avoir un bagage commun à partir duquel entrer en dialogue. Les solutions passent ici par l’éducation, l’école et l’université, qui peuvent façonner des repères communs au-delà de la seule appartenance religieuse. Cela n’enlève rien à la nécessité profonde d’apprendre à connaître l’autre et sa culture, pour éviter tout malentendu. Le dialogue avec les musulmans apporte aussi un regard extérieur exigeant. Récemment un imam a ainsi fait remarquer à des évêques occidentaux que les divorces pouvaient être regardés comme des polygamies successives.
— Entre autres points, le cardinal Tauran a souligné le nouveau style du pape François qui s’enracine dans une affection sincère envers les croyants d’autre confession. Sa vision est d’abord celle du cœur. Sur le sujet de l’éducation commune des catholiques et musulmans au sein des établissements privés, le cardinal Tauran a insisté sur le fait que les écoles devaient d’abord être des établissements catholiques, même s’il est nécessaire aujourd’hui de favoriser l’enseignement du fait religieux, qui n’a rien à voir avec la catéchèse. Même si des avancées indéniables sont à souligner, le dialogue inter-religieux reste incertain et fragile, du fait de nombreux revirements dans l’implication des pays musulmans en réponse aux invitations lancées par le saint Siège.