Notre amie Floriane, membre des Alternatives Catholiques,ย nous envoie cette belle et profonde mรฉditation sur les madones de Lyon, invitation ร promouvoir la vocation mariale de la capitale des Gaules.
Lyon a perdu ses couleurs de Mรฉditerranรฉe, des courants dโair humides nous soufflent dans le cou, et nous contemplons en grognant le bout de nos chaussures imprรฉgnรฉes dโeau de pluie. Et pourtant, si nous cessons un instant de courir (le fou nโaime pas la marcheโฆ) et levons seulement le nez, leur regard bienveillant nous console de lโarrivรฉe brutale de lโautomne. Impassibles, elles ne demandent rien si ce nโest un bref regard du passant, ร qui elles rappellent lโessentiel. Ce sont les madones de Lyon : comme la Vierge dont elles sont lโimage, elles sont lร en servantes, selon lโorigine mรชme du mot ยซ servus ยป, le gardien de la maison, qui sert et qui conserve tout ร la fois.
Ces statues de la Vierge, ou parfois de saints (saint Joseph notamment, mais on trouve aussi sainte Catherine, sainte Agathe, saint รtienne, et dโautres encore), nichรฉes dans des angles de rue ou surmontant des portes dโimmeuble, tรฉmoignent de la dรฉvotion mariale si chรจre aux Lyonnais depuis le vลu des รฉchevins de 1643. Si la fรชte du 8 dรฉcembre devenue Fรชte des lumiรจres est particuliรจrement bruyante et saturรฉe, les madones, elles, รฉclairent de faรงon beaucoup plus discrรจte nos faรงades, tout au long de lโannรฉe. Elles ne sโimposent pas, ne dรฉmontrent rien : priรจre silencieuse, elles se contentent de rappeler aux Lyonnais le souvenir de la mรจre de Dieu, chemin vers le Ciel, en ces lieux oรน prรฉcisรฉment nous cheminons tous les jours. Cette tradition des statues de rue, sans รชtre propre ร Lyon (on en trouve aussi bien ร Marseille, Dijon, Aix-en-Provenceโฆ), participe de lโidentitรฉ de la ville, lui donne son รขme. Parfois remarquables comme la sainte Catherine dโAlexandrie de la rue dโAlgรฉrie rรฉalisรฉe par Fabisch en 1866, quelques annรฉes aprรจs la Vierge de Notre Dame de Fourviรจre, plus souvent anonymes et dรฉpourvues de valeur artistique, elles retracent humblement lโhistoire de la ville, de son urbanisme, de sa vie spirituelle.
Cโest surtout ร partir du XVIIIรจ siรจcle que fleurissent les madones lyonnaises : la bourgeoisie prospรจre se construit des maisons et les dรฉcorent avec ces statues, se plaรงant ainsi sous la protection de la Vierge ou de la sainte Famille. Expression particuliรจre de la foi commune, ces statues de faรงade, entre lโespace public de la rue et lโespace privรฉ de la maison, sont une faรงon de marquer sa demeure, dโentrer dans une tradition tout en faisant, souvent, preuve dโoriginalitรฉ. ร lโoccasion des travaux dโurbanisme du XVIIIรจ et XIXรจ, la tradition se poursuit : lorsquโon perce une nouvelle rue pour faire respirer les ruelles mรฉdiรฉvales du centre-ville, on place ร lโintersection une statue, les yeux tournรฉs vers la rue quโelle protรจge. On voit ainsi parfois une Vierge qui regarde dans une direction, et lโEnfant de lโautre (un bel exemple se trouve dans lโรฉglise Saint-Nizier, ร droite du chลur : cette imposante statue dโAntoine Coysevox se trouvait ร lโorigine ร un angle de la rue du Bรขt-dโArgent). Depuis la proclamation du dogme de lโImmaculรฉe Conception en 1854 et lโinauguration du nouveau clocher de Fourviรจre le 8 dรฉcembre 1852, les madones font รฉcho ร la statue dorรฉe de la Vierge qui domine la ville, renforรงant les liens entre la citรฉ marchande au ras des fleuves et la ยซ colline qui prie ยป plus proche du ciel. Mais oรน sont-elles donc ? Partout dans Lyon, pour peu quโon y regarde bien : en majoritรฉ dans le Vieux Lyon, la presquโรฎle et la Croix-Rousse, mais on en trouve รฉgalement dans les quartiers plus rรฉcents du 7e et du 8e arrondissements (trois statues rien que pour la rue Sรฉbastien Gryphe). Vous connaissez sans doute les trois Maries de la rue du mรชme nom, dans le quartier saint Jean. Mais avez-vous repรฉrรฉ la Vierge de la rue Sainte-Catherine (ร lโangle, derriรจre les panneaux publicitairesโฆ), ou encore la sainte famille ร lโintersection de la rue de la Charitรฉ et de la rue Laurencin ? La rue Edouard Herriot ne compte pas moins de six statues et on nโa pas fini de dรฉnombrer celles de la colline de la Croix-Rousse. Une fois le jeu de piste commencรฉ, on les voit partout ! On voit malheureusement aussi beaucoup de niches vides : ces statues souvent abรฎmรฉes, remplacรฉes, retirรฉes ร nouveau, rรฉnovรฉes encore, dรฉpendent du bon vouloir des habitants et subissent les alรฉas du climat et de lโhistoire.
Depuis 2009, lโassociation lyonnaise ยซ Les Madones de Lyon ยป se propose dโaider et dโinformer ceux qui voudraient participer ร la sauvegarde et ร la rรฉnovation de ce patrimoine, qui ne demande quโร redevenir une tradition. Elle organise des visites guidรฉes pour parcourir la ville de madone en madone ; un guide a รฉtรฉ รฉditรฉ par le diocรจse et indique les itinรฉraires les plus intรฉressants, pour des jeux de piste en famille ou des flรขneries solitaires, accompagnรฉ dโexplications historiques. Et pour conclure cette invitation ร รฉlever le regard, rรฉรฉcoutons le psaume 121 mis en musique par Mendelssohn et chantรฉ, comme il se doit, par des voix dโenfants : ยซ Je lรจve les yeux vers les montagnes ! ยป.