Notre ami Jean-Baptiste, participant actif et fidรจle des Alternatives Catholiques, nous transmet cette trรจs รฉclairante synthรจse juridiqueย :
Le 26 juin 2011, le ministre des affaires รฉtrangรจres, Monsieur Juppรฉ, aprรจs sโรชtre dรฉclarรฉ favorable ยซ ร quelque chose comme un mariage [homosexuel] ยป avec peut-รชtre ยซ un nom diffรฉrent ยป concluait que lโon nโavait pas sur le mariage homosexuel le mรชme regard que celui que lโon pouvait avoir vingt ou trente ans auparavant. Si, en politique, une dรฉfinition peut รฉvoluer rapidement, il nโen va pas de mรชme pour le droit, le temps de la politique nโรฉtant pas le temps du droit. Ainsi Portalis, lโun des rรฉdacteurs du Code Civil, dรฉfinissait le mariage dans son Discours prรฉliminaire au projet de Code Civil comme ยซ lโunion de lโhomme et de la femme qui sโunissent pour perpรฉtuer leur espรจce et sโaider, par des secours mutuels, ร porter le poids de la vie ยป. Les auteurs du Lexique des termes juridiques Dalloz 2007 en retiennent, plus de deux cent ans aprรจs Portalis, la dรฉfinition suivante : ยซ leย mariage est lโunion lรฉgitime de lโhomme et de la femme rรฉsultant dโune dรฉclaration reรงue en forme solennelle par lโofficier dโรฉtat civil qui a reรงu auparavant les consentements des futurs รฉpoux, en vue de la crรฉation dโune famille et dโune aide mutuelle dans la traversรฉe de lโexistence ยป. La question du ยซย mariageย ยป homosexuel en droit se greffe sur un autre dรฉbat beaucoup plus ancien et au fond peut-รชtre beaucoup plus fondamental, en un mot plus juridique mais moins mรฉdiatique, le mariage est-il un contrat, rencontre de volontรฉs faisant naรฎtre des obligations, ou une institution, corps de rรจgles qui sโimpose ร tous dans lโintรฉrรชt de la sociรฉtรฉ ? Le mariage prรฉsente des caractรจres qui lโapparente au contrat, mais au-delร du contrat, il reste une institution. Le mariage, comme tous les contrats, doit respecter les conditions de validitรฉ mentionnรฉes ร lโarticle 1108 du Code Civil, ร savoir le consentement, la capacitรฉ, lโobjet (certain) et la cause (licite). La condition de capacitรฉ exclut les incapables, les mineurs bien sรปr mais aussi certains majeurs protรฉgรฉs. […] Lโarticle 146 du Code Civil, dans la partie du Code Civil spรฉcifiquement consacrรฉe au mariage, souligne quโยซ il nโy a pas de mariage lorsquโil nโy a point de consentement ยป. Le Code Civil reprend ainsi cette condition considรฉrรฉe comme essentielle par le droit canon. Le Catรฉchisme de lโEglise catholique prรฉcise en effet que ยซ lโEglise considรจre lโรฉchange des consentements entre les รฉpoux comme lโรฉlรฉment indispensable qui fait le mariage. Si le consentement manque il nโy a pas mariage ยป. Proclamer lโimportance du seul consentement ne suffit pas, il doit รชtre libre et รฉclairรฉ. […] La singularitรฉ du mariage est bien perceptible tant au stade de ses conditions de formation quโร celui de ses effets. […] Les parties ne peuvent par exemple, contrairement au droit commun, amรฉnager leurs obligations, ร lโexception du domaine patrimonial dans certains cas. Ainsi les parties ne peuvent fixer de termes ร leur engagement. Le mariage รฉchappe aussi ร la prohibition des engagements perpรฉtuels prรฉvue par le Code Civil en son article 1780 ยซ on ne peut engager ses services quโร temps, ou pour une entreprise dรฉterminรฉe ยป. Par consรฉquent, les รฉpoux ne peuvent pas, en invoquant cette prohibition, faire requalifier leur mariage en contrat ร durรฉe indรฉterminรฉe auquel il pourrait รชtre mis fin ร tout moment par lโune ou lโautre des parties sous rรฉserve du respect dโun dรฉlai de prรฉvenance raisonnable. Le mariage nโest donc pas encore un contrat dans lequel lโautonomie de la volontรฉ ne connaรฎtrait plus dโautre limite que la volontรฉ des co-contractants. […]
Si le mariage est plus quโun contrat ยซ pas comme les autres ยป cโest parce quโil est dโabord une institution. Lโinstitution, rรฉalitรฉ extรฉrieure et supรฉrieure aux individus qui la composent ou quโelle rรฉgit, est au droit ce que la transcendance est ร la philosophie.ย Il convient de distinguer les institutions ยซ personnes ยป, telles que lโEtat, des institutions ยซ mรฉcanismes ยป corps de rรจgles rรฉgissant une situation juridique comme le mariage. Lโapplication de ce corps de rรจgles est dโordre public, cโest-ร -dire que nul ne peut y dรฉroger, mรชme par contrat. Lโinstitution matrimoniale rรฉgit ainsi tant les conditions de formation du mariage que ses effets. Les rรจgles impรฉratives rรฉgissant les conditions de forme du mariage concernent ร la fois les conditions de fond et les conditions de formes. Dans les conditions de fond, lโon peut citer les empรชchements ร mariage entre certaines personnes, qui tรฉmoignent de lโopposition du droit franรงais ร lโendogamie (articles 161 ร 164 du Code Civil), lโinterdiction de la polygamie et/ou de la polyandrie (article 147 du Code Civil). La diffรฉrence des sexes est une condition de fond du mariage en droit franรงais. Cette derniรจre condition bien que contestรฉe, a plusieurs fondements juridiques. Le premier est la coutume, qui est une source du droit mรชme si le lรฉgislateur ne lโaime guรจre, la soupรงonnant au mieux de conservatrice et au pire dโarbitraire. Le deuxiรจme fondement est lโarticle 144 qui ouvre le titre du Code consacrรฉ au mariage, il dispose que ยซ lโhomme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans rรฉvolus ยป.ย Cet article 144 a survรฉcu aux retouches plus ou moins innocentes opรฉrรฉes par le lรฉgislateur depuis les annรฉes 1970 pour rendre les articles du Code asexuรฉs. A lโรฉpoque la justification รฉtait lโรฉgalitรฉ de lโhomme et de la femme, mais il semble comme bien souvent que le lรฉgislateur ait confondu รฉgalitรฉ et identitรฉ. Lโopinionย nโรฉtant pas ยซ mรปre ยป pour le ยซย mariageย ยป entre personnes de mรชme sexe, le lรฉgislateur, conscient du ยซ sens de lโHistoire ยป laissait des ยซ pierres dโattente ยป. A ce sujet la premiรจre chambre civile de la Cour de Cassation a prรฉcisรฉ dans un arrรชt du 13 mars 2007 que selon la loi franรงaise le mariage est lโunion dโun homme et dโune femme. Des groupes de pression LGBT ont essayรฉย de contester la constitutionalitรฉ des dispositions du Code Civil ร ce sujet, ils ont รฉtรฉ dรฉboutรฉs de leurs demandes par le Conseil constitutionnel. La diffรฉrence des sexes se justifie par lโune des finalitรฉs du mariage quโest la procrรฉation, finalitรฉ essentielle ร la sociรฉtรฉ et que lโinstitution matrimoniale vise ร protรฉger. Les conditions de forme visent ร protรฉger et la sociรฉtรฉ et les futurs รฉpoux. Ainsi le mariage est’il cรฉlรฉbrรฉ publiquement, dans la maison commune, toutes portes ouvertes, par lโofficier de lโรฉtat civil, reprรฉsentant de lโEtat, devant des tรฉmoins, reprรฉsentants de la sociรฉtรฉ. Le formalisme, souvent perรงu comme une contrainte par nos contemporains, vise dโabord ร les protรฉger et ร mettre en รฉvidence le caractรจre public du mariage qui nโest pas une simple affaire privรฉe. Seuls certains effets personnels du mariage seront ici envisagรฉs. Il y a des effets directs et des effets indirects. Les effets directs sont mentionnรฉs ร lโarticle 212 du Code Civil ยซ les รฉpoux se doivent mutuellement respect, fidรฉlitรฉ et assistance ยป. Ces effets sโimposent aux รฉpoux, sans รฉgard ร une รฉventuelle convention contraire. Ainsi les รฉpoux ne peuvent, par contrat, se dispenser mutuellement de leur obligation de fidรฉlitรฉ. Lโeffet indirect le plus important du mariage est ร mon sens la prรฉsomption de paternitรฉ : ยซ pater is est quem nuptiae demonstrant ยป (littรฉralement ยซ le pรจre est celui que les noces dรฉmontrent ยป). En application de cette prรฉsomption qui repose sur lโobligation de fidรฉlitรฉ des รฉpoux, le mari de la mรจre est prรฉsumรฉ รชtre le pรจre de lโenfant (article 312 du Code Civil) permettant lโรฉtablissement de la filiation. Ainsi lโinstitution matrimoniale vise ร protรฉger les buts du mariage que sont la procrรฉation et lโaide mutuelle dans la traversรฉe de lโexistence. Mais dans la conception contemporaine du droit la volontรฉ individuelle doit รชtre le seul รฉtalon. Le changement des mentalitรฉs passe par une ยซ dรฉsacralisation ยป des institutions, sommรฉes de rendre compte dโelles-mรชmes ร des volontรฉs individuelles inconstantes. La prรฉservation de lโinstitution matrimoniale supposerait que le Parlement ne soit pas une simple chambre dโenregistrement de lโรฉvolution des mลurs, mais en est-il encore capable ?
Merci pour cette juste et trรจs belle analyse.