Nous postons que Paul, notre prรฉsident, a รฉcrit pour le blog du ยซย Collรจge supรฉrieurยซย
Certains hommes de mรฉdias ont beaucoup criรฉ au fascisme. Les catholiques dans la rue, ce serait la fin de la dรฉmocratie, disent les libres penseurs, ne voyant dans ces marches pourtant pacifiques quโun retour du clรฉricalisme le plus dur. Il faudrait voir poindre au loin le retour de lโInquisition et des Croisades, et de cette longue friture que fut lโhistoire des catholiques en politique. Mais est-ce si รฉvident ? Les catholiques sont-ils par essence hostiles ร la dรฉmocratie ?
Ces manifestations montrent au contraire lโappรฉtit renaissant des catholiques pour la dรฉmocratie, appรฉtit dont on avait eu une vision fulgurante en 1984 [plus d’un million de personnes dans la rue pour dรฉfendre l’รฉcole libre contre le projet de loi Savary]. Rien nโest plus dรฉmocratique que ces tendres manifestations, qui loin de laisser dรฉborder la colรจre des catholiques les plus ardents, la canalisent, et lui donnent la forme de mouvements politiques finalement assez communs. Voilร que les catholiques les plus bouillants rejoignent les syndicalistes les plus trompettants !
En somme, loin de voir dans ces manifestations un danger pour la dรฉmocratie, il faudrait y voir son salut. Car les catholiques acceptent de jouer le jeu de la dรฉmocratie en manifestant dans la rue. Et ils participent au dรฉbat ! Dans le cas de la Marche pour la vie, ils prรฉtendent mรชme ouvrir un dรฉbat. Ce que manifestent les catholiques dรจs lors ce nโest pas un repli identitaire, cโest au contraire une ouverture au dรฉbat, et mรชme une ouverture du dรฉbat. Il est dโailleurs notable que ce soit les catholiques les plus intransigeants qui acceptent avec le plus de verve de manifester. Car en dรฉmocratie tout ce qui manifeste est relatif, puisque tout ce qui manifeste est lโobjet dโune contre-manifestation, dโune critique, voire, comme on lโa vu, dโun boycott. Ainsi ce que montrent les catholiques, peut-รชtre ร leur cลur dรฉfendant, cโest que la vรฉritรฉ peut รชtre dรฉfendue mรชme dans un espace pluraliste ; mรชme dans une dรฉmocratie qui traite toutes les opinions ร parts รฉgales il reste une place pour la vรฉritรฉ. En somme, les catholiques ont compris que la vรฉritรฉ ne se passe pas dโune confrontation avec les autres opinions, mais aussi que lโopinion ne doit plus se passer des catholiques.
Le problรจme de la dรฉmocratie, cโest quโelle nโa pas de contenu. Elle ne dit pas toute seule : ceci est bien, ceci est mal, respectez les plus fragiles, aidez votre prochain. On pourrait trรจs bien imaginer une parfaite dรฉmocratie oรน ne vivraient que des dรฉmons,ย du moins oรน chacun vivrait dans lโindividualisme le plus forcenรฉ. La dรฉmocratie a donc besoin quโon lui fixe un programme. Cโest prรฉcisรฉment le rรดle que prรฉtendent jouer les catholiques en descendant manifester, levant haut leurs pancartes, et rรฉcitant des slogans comme il faut : eh oui, pour la vie, pour les tout petit, sauvez, sauvez, sauvez les bรฉbรฉs ! Ainsi les catholiques viennent remplir la libertรฉ qui est donnรฉe aux citoyens.
Les catholiques auraient compris quโils sont eux aussi une voix qui compte dans le dรฉbat dรฉmocratique, quโils sont des citoyens comme les autres. Pourtant ils subissent bien lโopprobre public, voire le boycottโฆ Cโest en ce sens quโavec lโexpรฉrience de la dรฉmocratie, les catholiques font aussi lโexpรฉrience de sa limite. Car la dรฉmocratie demande que la vรฉritรฉ soit dรฉfendue avec force : il ne suffit pas de prononcer la vรฉritรฉ pour quโelle soit entendue, il faut aussi possรฉder les moyens de la communiquer. La communication de la vรฉritรฉ ne se fait pas sans la possession des moyens de communication. Or cโest lร la grande faiblesse des catholiques, qui nโont aucun reprรฉsentant dans les grands mรฉdias, et qui subissent soit le boycott soit lโoutrage. Aucun grand mรฉdia nโa fait mention de la grande marche pour la vie dโil y a dix jours : TF1 par exemple sโest contentรฉ de quelques lignes sur son site internet, et il nโy aurait eu selon ce mรฉdia que quelques centaines de manifestants, alors que la moindre photographie montre quโils รฉtaient au moins quelques milliers. Cela montre peut รชtre la prochaine รฉtape du tournant dรฉmocratique des catholiques franรงais : il ne suffit pas dโadopter la forme dรฉmocratique pour compter politiquement, il faut en plus y joindre la force, qui nโest pas (encore) la violence.