Newsletter AlterKhagnine numéro 2 : Jésus superstar du web
Partie 1 : Jésus au pays des memes
Bonjour à tous, bon alors il y a toute une foultitude de choses à dire sur la présence de Jésus sur le web. On le voit partout, Jésus est une cible privilégiée des blagues cathos comme des blagues athées (je n’ai pas encore fini de compter les points, je crois qu’on a une longueur d’avance mais vous seriez surpris de l’attention infinie que lui portent nos camarades qui ne croient pas en sa divinité).
Jésus est décliné selon toutes les modes du web. C’est la mode des images photoshopées ? Jésus est photoshoppé. C’est la mode des rage comics ? Jésus devient un rage comic. C’est la mode des memes ? Jésus devient un meme. C’est plus que de l’incarnation à ce niveau-là, Jésus est protéiforme à un point inimaginable. Il y a donc beaucoup de choses à dire et surtout beaucoup d’images à voir, des drôles et des plus sérieuses, mais on va commencer par celles qui sont drôles parce qu’en plus d’être en Carême on est aussi lundi matin, 10 heures.
Je démarre par un petit point sur tout le vocabulaire que je viens de citer, capital pour entrer dans le monde du swag et sainternet. Être photoshoppé est une expression dérivée du nom d’un logiciel, Photoshop, qui permet de retoucher des images et de faire des montages photos : être photoshoppé signifie donc d’être la victime (ou dans le cas de Jésus la star) d’un montage photo (souvent raté). Un rage comic est une petite bande dessinée d’un style assez spécial, puisque les personnages, quel que soit l’auteur de la BD, ont toujours une tête spécifique à chaque émotion, dont l’expression est assez universelle.
Exemple, quelqu’un de triste qui se résigne à son triste sort aura invariablement ce visage-là :
Et quelqu’un qui se sent très mal à l’aise, ou coupable de quelque chose, et qui essaye de le dissimuler par une « poker face » (puisque quand on joue au poker, c’est bien connu, il faut cacher ses émotions), aura cette expression-là :
On trouve beaucoup d’autres figures types des rage comics, comme celle-ci exprimant la consternation, voire l’effroi le plus total :
Pas étonnant donc qu’on ait vu se multiplier des tableaux célèbres où les visages étaient remplacés par des rage comics ! Avec, bien sûr, Jésus aux premières loges.
Voici un exemple :
Vous reconnaissez Jésus dans le rôle du rage comic triste, les apôtres dans celui des consternés, et bien sûr Judas est facilement identifiable avec sa poker face. On dira ce qu’on voudra, ça reste une façon assez chouette de démocratiser l’Evangile : les rage comics sont présents partout sur Internet, ils servent aux internautes de moyens rigolos et rapides de partager des petites histoires qui leur arrivent, et caser Jésus au milieu est facile et ingénieux. Allez, on vous en donne une autre avant de passer au chapitre suivant, celle-ci concerne les trous qu’il a dans les mains après sa crucifixion :
Bon, d’accord, ce n’est pas très sérieux au vu de la situation, mais vous voyez l’idée. Ce qui est sympathique avec les rage comics, c’est aussi qu’ils « démocratisent » Jésus, au sens où il devient un personnage à part entière de la vie des internautes, à qui il arrive de petites histoires ; par exemple, ici, c’est la chose la plus naturelle du monde de lui proposer des Skittles comme si c’était un de nos amis… Et n’est-ce pas aussi ce qu’il doit être ? Dans les rage comics, Jésus devient la personne numéro 1 vers laquelle on se tourne, en témoigne celle-ci :
*perd le contrôle de la voiture* « Jésus, prends le volant ! » – « Mais je sais pas conduire ! » – « Aaaaaah »
(Avertissement : nous ne soutenons pas cette rage comic qui implique qu’il y a une faille dans l’omnipotence de Jésus)
Bien. Voilà pour les rage comics. A présent, qu’est-ce qu’un meme ? Le principe est à peu près similaire : il s’agit de choisir une image, représentant quelqu’un la plupart du temps, qui va devenir le symbole, l’archétype d’une certaine situation. A cette image va être ajouté un texte écrit en lettre capitales blanches bordées de noir (oui, tout cela est très codifié), qui va expliquer en quelques mots la situation dans laquelle on se trouve soi-même, et qui peut être rapportée à ce meme. L’un des memes les plus célèbres est un personnage du nom de « Bad Luck Brian », grosso modo Brian La Tuile, qui est l’archétype du malchanceux : dès qu’il vous arrive une tuile, vous pouvez créer un meme, c’est-à-dire prendre la célèbre photo de Bad Luck Brian et raconter en deux ligne ce qui vous est arrivé. Pas étonnant que Jésus ait donné lieu à de nombreux memes ! En voici quelques-uns : attention, c’est en anglais !
Ce meme représentant Jésus est couramment utilisé pour faire des calembours. Ici, la plaisanterie en français, pour les non-anglophones, donnerait à peu près ceci :
« Besoin d’une arche ? Je conNOÉ un type qui peut t’aider ! »
Vous pouvez le dire, ce n’est pas du grand art, c’est vrai, mais l’idée que Jésus puisse faire des blagues sur le thème de la Bible reste assez sympathique, et fait partie du processus de sa démocratisation sur Internet !
Le meme suivant nécessite une petite introduction : il y a cette scène célèbre dans le film Titanic, où Rose est allongée sur un canapé dans une pose alanguie, et demande à Leonardo « Draw me like one of your French girls » (« Dessine-moi comme tu dessines tes amies françaises »). Sa pose (allongée sur le côté, la joue appuyée sur la main, un peu à la manière d’une statue grecque), est restée célèbre au point qu’elle est devenue un meme : on l’utilise souvent quand on voit un animal, chien ou chat, couché sur le côté avec ce qui semble être un regard langoureux : « draw me like one of your french cats », s’empresse-t-on alors d’envoyer sur le web ! Bon. Ça marche aussi avec des peintures de Jésus. La preuve en images :
Parfois, c’est juste la graphie des memes (l’écriture blanche cerclée de noir) qui va être utilisée. Par exemple, sur cette photo vraisemblablement prise dans un magasin de décoration où l’agencement en vitrine des statues et leur expression de visage donnent à penser :
Ici, Jésus adolescent suppliant sa mère de le laisser passer la soirée dehors.
Quoi qu’il en soit, les vrais memes sont ceux qui se déclinent sur une seule image dont seul le texte change, et le meme le plus invariable de Jésus est indéniablement celui communément appelé « Story Time Jésus » (« Quand Jésus raconte des histoires »). Il s’agit d’un tableau représentant le Christ entouré d’enfants et d’adultes, dans la pose de quelqu’un qui parle et que l’on écoute. Cette image a été reprise et est devenue un meme où Jésus raconte à sa façon (souvent dans un parler actuel parfois vulgaire) des épisodes de la Bible. La plupart ont même le bon goût d’indiquer en bas à droite à quel passage il est fait référence ! Voyez plutôt :
Le sacrifice d’Abraham
« J’étais là genre, « Wesh, Abraham, sacrifie ton fils pour voir », et ensuite j’étais là genre « Woah, je blaguais mec »
Le péché originel
« Et là mon père leur a dit « les gars, sérieux, n’en mangez pas » : premier truc que fait la meuf : en manger. Du coup voilà pourquoi je suis là. »
Jésus évangélise
« Alors là je lui dis genre « mec, tu aimerais que quelqu’un te fasse ça ? bon, alors ne le fais pas aux autres. »
Le passage de la Mer Rouge
« Et là y avait ces Egyptiens qui embêtaient mon pote Moïse, du coup, ben, je les ai noyés. »
La rencontre de Jésus avec Saint Pierre
« Du coup je demande à ce type comment il s’appelle et il me dit « Simon », alors j’étais là « Ce nom craint, je vais plutôt t’appeler Pierre. »
La tentation de Jésus au désert (Evangile d’hier !)
« Satan essayait de me faire gober n’importe quoi, et j’étais là genre « Euuuh non, mec, je refuse de rentrer dans ton système. »
Jésus maudit le figuier
« Là j’avais faim et je voulais une figue ; bon, c’était pas la saison mais peu importe, je vise un arbre, et là, imaginez un peu, cet enfoiré n’avait pas une seule figue, du coup j’étais là genre « Fuck you, arbre, fuck you à jamais ». »
Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi…
« Et ce jour-là, moi et Pierre on jouait au basket, et il m’a dit « Yo, Jésus, on vient de te faire un service », alors je lui ai dit, « le fils de l’homme n’est pas venu pour servir mais pour être servi », et après j’ai gagné. »
Une variante de la mort de Jésus et de sa résurrection
« Et ce soir-là, j’étais tellement ivre, que je me suis réveillé dans une tombe trois jours plus tard. »
Il y a quand même une chose que toutes ces images en apparence futiles et, selon certains, presque blasphématoires, peuvent nous apprendre, c’est que Jésus est plus présent que jamais sur Internet, et que sa diffusion dans le quotidien des hommes reprend de la vitesse. On peut craindre cette mythification de sa figure et sa relégation à un personnage de bande-dessinée bien sûr, mais je fais, pour ma part, plutôt le choix de me réjouir de le voir aussi présent, et, surtout, aussi proche de nous dans les médias les plus gigantesques…
Voilà pour Story Time Jesus, et pour la seconde newsletter AlterKhagnine ! Retrouvez-nous la semaine prochaine pour un nouveau tour d’horizon du swag et sainternet, featuring une peinture de Jésus mal restaurée et sa récupération incroyable sur Internet !
Swag-et-saintement vôtre,
@Khagnine
One thought on “N°2 – Jésus au pays des mèmes”